Ambre en Antiquité

Définition

Mark Cartwright
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 11 septembre 2017
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Disponible dans ces autres langues: anglais, arabe, grec, espagnol
Roman Amber Perfume-pot (by The British Museum, Copyright)
Pot à parfum Roman Amber
The British Museum (Copyright)

L'ambre, la résine fossilisée des arbres, était utilisée dans tout le monde antique en bijouterie et pour les objets décoratifs. La principale source était la région baltique où l'ambre, connue par les minéralogistes sous le nom de succinite, s'échouait sur les plages et était facilement ramassée. Outre ses qualités esthétiques et sa facilité de sculpture et de polissage, l'ambre, pour de nombreux peuples anciens, avait des qualités mystérieuses telles que protéger la personne qui la portait, prévenir le mal et guérir les maladies.

Origines et mythes

Bien qu'il ait été trouvée en Europe du Nord et en Sicile, l'ambre utilisée par les cultures de l'ancienne Méditerranée provenait principalement de la région baltique. En tant que résine fossilisée des arbres, des morceaux d'ambre rugueux séchouaient naturellement sur les plages où ils étaient recueillis puis coupés, sculptés et polis en bijoux et ornements. Il y avait divers mythes pour expliquer d'où venait ce matériel merveilleux, notamment un raconté par Ovide. L'écrivain romain décrit la vieille croyance dans laquelle l'ambre n'était rien de moins que les larmes cristallisées de Clymène et de ses filles qui, de chagrin suite à la mort tragique de Phaéthon, avaient été transformées en peupliers. Le jeune fils de Clymène, dans sa fougue, avait bêtement perdu le contrôle du char solaire de son père, le dieu Hélios, quand il essaya de traverser le ciel. Afin d'éviter que la terre ne soit brûlée par le soleil qui tombait, Zeus s'était senti obligé de frapper Phaéthon d'un de ses éclairs. Voilà pourquoi les Grecs appelaient l'ambre 'electrum' d'après le nom qu'ils donnaient au soleil, elector.

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L'ambre est relativement molle et était donc un matériau idéal pour être coupé et sculpté en perles et autres bijoux.

D'autres écrivains anciens affirmaient que l'ambre était les rayons solidifiés du soleil capturés on ne sait trop comment à peine ils touchaient terre. D'autres théories étaient qu'elle venait d'un temple éloigné en Éthiopie, d'une rivière en Inde, était les larmes d'oiseaux pleurant le héros déchu Méléagre, ou même provenait de l'urine du lynx - le mâle produisant une version plus brillante que la femelle. Bien que ces histoires et ces explications aient été hautes en couleur, les anciens eux-mêmes n'en tenaient pas trop compte, tout comme nous le faisons maintenant, car des écrivains comme Aristote avaient depuis longtemps identifié l'ambre comme étant une « résine durcie » et de nombreux mythes sur l'ambre impliquaient des arbres, donc, au bout du compte, ils n'étaient pas loin de la vérité.

Un peu plus tard, au Ier siècle EC, l'écrivain romain Pline l'Ancien tenta de classer et de décrire toutes les pierres et matériaux précieux dans son Histoire Naturelle. Dans le Livre 37, chapitres 11-12, il décrit l'ambre en détail. Il nota qu'il s'agissait d'une substance relativement courante qui était fréquemment échangée. Il avait du mal à trouver une raison qui expliquait exactement pourquoi elle etait si populaire: « le luxe n'a pas encore été en mesure de trouver une justification pour son utilisation ». Il était dédaigneux du mythe de Phathéon tel que répété par les auteurs grecs d'Eschyle à Euripide ainsi que d'autres histoires à dormir debout. Il procèda ensuite à démystifier toutes les revendications d'origine géographique de l'ambre, bien qu'il mentionnât chemin faisant Pythéas, qui avait noté qu'elle s'échouait sur les rives de l'Allemagne. Pline est généralement d'accord avec Pythéas, notant que les tribus de Germania appelaient l'ambre glaesum et qu'elle provenait de pins, ce qui, dit-il, est évident quand l'ambre est brûlée car elle sent le pin. Il savait aussi qu'elle était à l'origine à l'état liquide à cause des insectes piégés parfois à l'intérieur des plus gros morceaux. Il ne saisissait pas le concept de fossilisation mais expliquait plutôt le durcissement de la résine comme un processus réalisé d'une manière ou d'une autre par la mer.

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Archaic Greek Amber Necklace
Collier en ambre grec archaïque
The British Museum (Copyright)

Tacitus, l'historien romain des 1er et 2ème siècles EC, donne la description suivante de l'ambre et de son ramassage par les tribus allemandes :

Ils explorent même la mer; et ce sont les seuls gens qui recueillent de l'ambre, qui par eux s'appelle Glese, et qui est recueillie dans les endroits peu profonds et sur le rivage. Avec l'indifférence habituelle des barbares, ils n'ont pas cherché à savoir ni vérifier à partir de quel objet naturel ou par quels moyens elle est produite. Elle fut longtemps ignorée parmi toutes les autres choses rejetées par la mer, jusqu'à ce que notre luxe lui donne un nom. Inutiles pour eux, ils la rassemblent dans son état brut, l'amènent telle quelle, et s'émerveillent du prix qu'ils reçoivent en échange. Il semble cependant qu'il s'agit d'une exsudation de certains arbres; puisque les reptiles, et même les animaux ailés, sont souvent vus briller à travers elle, qui, enchevêtrés dans son état liquide, se sont retrouvés enfermés au fur et à mesure qu'elle durcissait. J'imagine donc que, comme des bois luxuriants et des bosquets dans les lointains recoins secrets de l'Orient émanent l'encens et le baumier, il en est de même dans les îles et continents de l'Occident; qui, sous l'effet des rayons du soleil, déposent leurs jus liquides dans la mer subjacente, d'où, par la force des tempêtes, ils sont rejetés sur les côtes opposées. Si l'on examine la nature de l'ambre par application du feu, elle s'enflamme comme une torche, avec une flamme épaisse et odorante, et se décompose en fait en une matière gluante ressemblant à du brai ou à de la résine. (Germania, 45)

Propriétés

L'ambre est relativement malléable et est donc un matériau idéal pour être coupé et sculpté en perles et en d'autres formes de bijoux. Des scies, des limes et des forets étaient utilisés pour créer la forme souhaitée et graver des dessins. Les anciens joailliers de l'âge du bronze étaient déjà très qualifiés dans la sculpture de matériaux semi-précieux beaucoup plus durs comme la cornaline et le grenat, de sorte que l'ambre ne posait aucun défi particulier à leurs capacités. L'ambre avait également l'avantage qu'elle pouvait être polie à l'aide d'abrasifs pour obtenir un éclat séduisant. Un inconvénient important du matériau est qu'il est sensible à la dégradation. S'estompant au fil du temps après l'exposition à l'air, l'ambre devient plus opaque et tant de pièces d'ambre antique ne semblent pas, aujourd'hui, aussi impressionnantes qu'elles l'étaient lorsqu'elles furent initialement créées.

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Etruscan Amber Figurine
Figurine étrusque en ambre
Metropolitan Museum of Art (Copyright)

Déjà mystérieuse car personne n'était sûr d'où elle venait réellement, beaucoup de peuples anciens considéraient l'ambre comme un matériau quelque peu mystique capable de protéger le porteur d'une certaine façon. L'utilisation d'amulettes dans ce but précis était particulièrement courante dans l'Égypte ancienne et la Grèce, de sorte que pour rendre l'objet (qui pouvait être presque n'importe quoi, de représentations miniatures des dieux à des parties du corps) doublement puissant, l'ambre était un bon choix. Non seulement une parade contre le malheur, l'ambre, pensait-on, avait également des pouvoirs de guérison. Les cimetières romains, par exemple, et surtout ceux des provinces du nord-ouest, avaient souvent des sépultures d'enfants contenant des perles d'ambre qui étaient probablement placées là pour faire office d'amulettes.

Non seulement une pARADE contre le malheur, L'ambre, pensait-on, avait également des pouvoirs de guérison.

Pline note dans son Histoire Naturelle que certaines personnes croyaient que l'ambre pouvait aider à résoudre des problèmes spécifiquement liés aux amygdales, à la bouche et à la gorge, ainsi qu'aux troubles mentaux et aux problèmes de vessie. L'ambre était même broyée et mélangée avec de l'huile de rose et du miel pour traiter les infections oculaires et auriculaires. Considérant que l'ambre est, après tout, une substance naturelle et qu'elle contient de l'acide succinique, qui était utilisé dans les médicaments avant l'utilisation des antibiotiques, peut-être l'ancienne croyance en ses qualités médicinales n'était pas tout à fait aussi fantaisiste que cela.

Enfin, les anciens avaient remarqué que l'ambre, lorsqu'elle est frottée (et produisant ainsi une charge négative), est capable d'attraction. La capacité d'attirer des objets légers tels que les herbes séchées ou la paille conduisit les Perses à appeler l'ambre kahruba ou «voleur de paille». C'était une autre qualité qui ajoutait au mystère et au charme de l'ambre.

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Utilisation historique

Les premiers ateliers d'ambre de la Baltique datent de la période néolithique. Les contacts commerciaux entre l'âge du bronze et les cultures ultérieures permirent à l'ambre de voyager à travers l'Europe, principalement grâce aux tribus germaniques et d'Europe centrale qui voulaient l'échanger contre des métaux qu'elles pourraient utiliser elles-mêmes ou pour échanger une fois de plus avec des tribus britanniques et Scandinaves. Les commerçants maritimes comme les Phéniciens, les Grecs et les Carthaginois aidèrent à diffuser l'ambre encore plus loin. L'ambre descendait de la Baltique en passant par les rivières de l'ouest du Jutland à travers l'Allemagne et descendait la vallée du Pô dans le nord de l'Italie jusqu'à la mer Adriatique. De là, elle était transportée par les commerçants maritimes vers le Levant et le Proche-Orient. Des perles d'ambre furent également retrouvées dans le nord et le centre de la France antique, ainsi que dans la péninsule ibérique.

Egyptian Amber Ring
Bague en ambre égyptienne
The British Museum (Copyright)

Des objets fabriqués à partir de ce matériau furent découverts dans des sites de l'âge du Bronze comme Ugarit, Atchana, en Crète minoenne (plus rarement), et dans les villes mycéniennes (en particulier Thèbes). Des tests effectués sur l'ambre trouvée dans les tombes de puits mycéniens indiquent qu'elle provenait en grande partie de la Baltique, et des tests similaires prouvèrent que de nombreuses pièces d'ambre trouvées dans le Proche-Orient provenaient d'ateliers mycéniens. Les perles d'ambre trouvées sur l'épave d'Uluburun datant de l'âge du bronze témoignent encore plus du commerce de l'ambre à cette époque.

Peut-être en raison de sa rareté si loin de sa source, l'ambre était particulièrement prisée au Proche-Orient où elle était largement réservée et même devenue un symbole de pouvoir royal et de statut. Les prêtres étaient un autre groupe qui portait l'ambre comme marque de distinction. Des tests révélèrent que l'ambre trouvée sur des sites du Levant et du Proche-Orient provenait de la Baltique. L'ambre est une découverte plus rare dans l'Égypte ancienne, mais des bijoux et des bagues en perles d'ambre furent trouvées dans plusieurs tombeaux là-bas aussi.

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Pendant l'âge du fer, la côte est de l'Italie devint un spécialiste de l'ambre, avec Picenum, en particulier, qui prospèra grâce à la production de produits en ambre. Villanovan Verucchio (site pré-étrusque) était un autre centre de fabrication du IXe siècle AEC avec des tombes de femmes, en particulier, contenant des quantités importantes d'ambre transformée en disques pour boucles d'oreilles, colliers, broches, décorations cousues pour vêtements et curieuses fibules en forme de sangsue composées de pièces sculptées individuellement jointes au bronze. Dans cette période, on trouve aussi dans ces lieux une « fausse » ambre qui provenait de résine fossilisée des arbres du Levant.

Les produits ambrés sont une caractéristique commune de l'art grec archaïque, mais le matériel semble s'être démodé à l'époque classique. L'Italie centrale poursuivit sa production d'ambre avec les Étrusques produisant des bijoux et des petites figurines d'animaux et d'humains dans ce matériau.

Roman Amber Dice
Dés romains en ambre
The British Museum (Copyright)

Les Romains firent tout leur possible pour que l'ambre revienne à la mode à travers la Méditerranée. Ils eurent également une influence durable sur le nom du matériau car le nom latin ambrum conduisit au mot arabe anbar qui, à son tour, conduisit au terme moderne ambre. Prisée et de nouveau au goût du jour, l'ambre fut importée, comme avant, en suivant les rivières de la Germanie. Les tribus de Germania Libera ne se contentaient plus de faire du commerce de la matière première, mais avaient mis sur pied leurs propres ateliers afin de pouvoir échanger les articles finis avec Rome. Aquilée en Italie, en particulier, devint un centre de production réputé entre le 1er et le 3e siècle EC. L'ambre servait à fabriquer des bijoux, des figurines, des poignées, et même de petits contenants et des gobelets. Pline l'Ancien attesta que certaines pièces d'ambre pouvaient atteindre des prix élevés dans l'extrait suivant de son Histoire Naturelle :

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Tellement apprécié est-elle comme objet de luxe, qu'une minuscule effigie humaine faite d'ambre, se serait vendue à un prix plus élevé que des hommes vivants, corpulents et vigoureux. (Livre 37:12 .2)

Portée en grande partie par les femmes romaines, l'ambre donna même son nom à une teinte de cheveux. Ses qualités protectrices n'avaient pas non plus été oubliées, car les gladiateurs s'assuraient souvent d'avoir des pièces attachées à leurs filets de combat. L'utilisation de l'ambre dans le monde romain diminua à partir du 3e siècle EC, mais elle était encore largement utilisée dans les régions baltes, un fait indiqué par Cassiodore, écrivain du 6e siècle, qui cite une lettre de remerciement pour l'ambre de Baltique envoyée à l'empereur Théodoric. Dans la période médiévale, les Arméniens devinrent les nouveaux champions de l'ambre et firent en sorte que son commerce et sa fabrication en pièces décoratives raffinées perdurent jusqu'à nos jours.

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Bibliographie

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que toutes les civilisations peuvent nous offrir. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

Citer cette ressource

Style APA

Cartwright, M. (2017, septembre 11). Ambre en Antiquité [Amber in Antiquity]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-16312/ambre-en-antiquite/

Style Chicago

Cartwright, Mark. "Ambre en Antiquité." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le septembre 11, 2017. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-16312/ambre-en-antiquite/.

Style MLA

Cartwright, Mark. "Ambre en Antiquité." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 11 sept. 2017. Web. 20 avril 2024.

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